
Tu avances, et la forêt s’étend devant toi, mais elle n’est plus la même. Ses couleurs, jadis éclatantes, s’assombrissent. Le bleu semble prendre le dessus, comme un voile silencieux qui recouvre tout. Chaque pas te rapproche d’un lieu moins accueillant, comme si la nature elle-même hésitait à te garder dans ses bras.
Le bruissement d’une aile légère te fait lever les yeux. Là, posé sur une branche, un papillon aux ailes d’or te fixe, immobile. Il est magnifique, mais tu sens une inquiétude, presque imperceptible, dans ses battements d’ailes. « Ici, le jour ne meurt jamais vraiment, » murmure-t-il, sans te regarder directement. « Le crépuscule est une ruse, un reflet d’un monde qui ne s’éteint pas… » Puis, sans attendre de réponse, il s’envole, disparaissant dans une lumière qui semble ne jamais changer.

Tu continues. L’atmosphère devient plus froide, plus lourde. La végétation te paraît étrange, flétrie, mais pourtant figée dans un état qui n’évolue pas. Le temps ici ne suit pas son cours.
Soudain, tu trébuches presque sur une petite créature au sol. C’est un champignon, mais avec des yeux vifs et des petites pattes. Il te regarde, d’un air sérieux et effrayé à la fois. « Ne me touche pas, » te prévient-il, sa voix nerveuse. « Si tu le fais, une rage terrible pourrait s’emparer de toi. Une rage que tu ne pourras plus contrôler… »

Tu te redresses, l’esprit troublé par cet avertissement. Une tension commence à s’installer en toi, mais tu continues ton chemin. Au détour d’un sentier, tu aperçois une silhouette, un homme, ou plutôt une ombre d’homme, penchée sur un miroir d’eau. Son reflet est brisé, comme une image qu’il tente en vain de réparer.

« Est-ce toi ou moi qui rêve encore ? » murmure-t-il, sa voix semblant sortir de nulle part. « Les fissures sont partout, regarde bien. C’est le moment où tout se disloque… » Mais tu n’oses pas t’approcher. Tu sens que quelque chose est faux, que ce miroir ne renverra jamais l’image entière.
Plus loin, un oiseau, immobile, ses plumes ternies, te regarde avec une fixité troublante. Il ouvre son bec, mais aucun son ne sort. Tu ne te souviens pas quand le chant de la forêt a cessé, seulement du silence qui l’a remplacé.

Et alors, la colère monte en toi, sourde, comme un feu qui brûle dans ton ventre. Tu te sens piégé, pris dans ce décor qui refuse de bouger. Tes mains se crispent. Tu pourrais tout briser ici, tout réduire en poussière. Une voix, lointaine mais persistante, chuchote à ton esprit : « Réveille-toi, c’est peut-être la seule solution… » Mais elle est trop loin, trop floue. Et tu n’arrives pas à comprendre pourquoi ce simple mot résonne autant en toi.
